Le Libreville, Gabon – Le Gabon dit stop à l’hémorragie financière. Le président Brice Clotaire Oligui Nguema a annoncé, lors du Conseil des Ministres du 20 juin 2025, une décision radicale : toutes les nouvelles exonérations fiscales sont suspendues pour une durée de trois mois. La raison ? Des révélations alarmantes sur un manque à gagner cumulé de plus de 1 000 milliards de francs CFA (environ 1,76 milliard de dollars) entre 2022 et 2025, directement imputable à ces incitations.
Un gouffre financier révélé
Les chiffres sont édifiants. Selon la présidence gabonaise, les exonérations fiscales nationales ont coûté pas moins de 682,67 milliards de francs CFA (1,2 milliard de dollars) en pertes de recettes. Les incitations fiscales à l’exportation ne sont pas en reste, avec un manque à gagner estimé à 376,55 milliards de francs CFA (660 millions de dollars). Une fuite de capitaux qui interpelle et qui a poussé le gouvernement à agir.
Audit et révision : Vers plus de transparenceCe gel temporaire n’est que la première étape. Il sera suivi d’un audit complet visant à évaluer non seulement l’efficacité, mais aussi la pertinence des exonérations déjà en place. Le gouvernement entend bien réviser les critères d’éligibilité pour mieux les aligner sur les priorités de développement du pays, tout en garantissant une transparence accrue et un impact mesurable de chaque mesure.Jusqu’à présent, le code général des impôts du Gabon offrait une multitude d’exonérations dans des secteurs clés comme le tourisme, le logement, l’industrie et l’agriculture. On y retrouvait des exonérations pluriannuelles de l’impôt sur les sociétés, des réductions de TVA ou encore la gratuité d’enregistrement des titres de propriété. Des avantages fiscaux généreux, mais dont la faiblesse du suivi et l’absence de retombées économiques tangibles ont sonné l’alarme.Des incitations qui n’ont pas produit les effets espérés.
Ce coup de frein sur les exonérations marque un tournant stratégique pour la politique fiscale gabonaise. Conçues initialement pour attirer les investissements privés et dynamiser la compétitivité, ces mesures ont, paradoxalement, érodé les finances publiques sans générer de gains proportionnels en termes d’emplois, d’exportations ou d’innovation.
À titre d’exemple, le secteur du tourisme bénéficiait d’une exonération fiscale totale pendant trois ans pour les entreprises investissant plus de 300 millions de francs CFA (527 000 dollars). Les promoteurs immobiliers agréés profitaient de taux d’imposition réduits, d’exemptions de TVA et d’exonérations de l’impôt foncier sur une période pouvant aller jusqu’à cinq ans. Des avantages similaires étaient accordés aux secteurs de l’industrie, des mines, de l’agriculture et de la pêche, sous réserve d’investissements entre 200 et 500 millions de francs CFA (351 000 et 878 000 dollars).
Malgré ces incitations censées stimuler les secteurs prioritaires, les audits préliminaires suggèrent que de nombreux projets n’ont pas eu l’impact escompté. Un suivi inadéquat, un mauvais ciblage et des liens économiques limités ont sapé leur efficacité.
Le moratoire actuel et les réformes à venir reflètent une volonté claire d’aller vers une politique fiscale plus efficace, équitable et transparente. Les futures incitations devront désormais prouver leur capacité à créer une valeur mesurable, avec des règles d’éligibilité plus strictes et des mécanismes de suivi rigoureux pour s’assurer que les avantages publics justifient bien le coût en termes de recettes perdues. Le Gabon est prêt à repenser sa stratégie pour maximiser ses ressources et dynamiser son économie.